Pourquoi la Messe traditionnelle ?
A Saint-Martin de Bréthencourt, depuis 40 ans, la Messe est célébrée, avec l’accord de l’évêque du lieu, selon la liturgie traditionnelle, appelée aussi « liturgie Tridentine » en souvenir du Concile de Trente, « Missel de Saint-Pie V», ou, depuis Benoît XVI, « forme extraordinaire du rite romain ».
La liturgie tridentine est une des formes liturgiques de l’Eglise, codifiée après le concile de Trente. « En des temps vraiment difficiles où, sur la nature sacrificielle de la messe, le sacerdoce ministériel, la présence réelle et permanente du Christ sous les espèces eucharistiques, la foi catholique avait été mise en danger, il fallait avant tout, pour Saint Pie V, préserver une tradition relativement récente, injustement attaquée, en introduisant le moins possible de changements dans le rit sacré… » Le n° 7 du préambule, rajouté en 1970, de l’Institutio Generalis du missel réformé décrit ainsi le contexte de la réforme tridentine, et par le fait même les atouts du missel tridentin. Alors, aujourd’hui où la foi et la piété eucharistique diminuent, il est permis de poser la question : une des réponses aux insuffisances théologiques, catéchétiques, spirituelles et pastorales des chrétiens aujourd’hui, n’est-il pas la célébration du mystère eucharistique en usant des formes liturgiques du missel de Saint Pie V ?
La messe traditionnelle, en effet, exprime avec acuité la présence du sacrifice de la croix, oriente notre âme vers Dieu et témoigne de notre adoration envers sa présence réelle. Bien-sûr il ne faut pas voir dans la messe un cours de théologie, mais la doctrine se trouve exprimée dans ses différentes prières. On retrouve ainsi clairement exprimées les quatre fins du Saint Sacrifice : adoration, action de grâce, propitiation, demande.
La Messe, élévation de nos âmes vers Dieu
Il est normal que les prières de la messe soient orientées vers l’adoration, parce que l’homme en tant que créature doit d’abord reconnaître sa totale dépendance vis-à-vis de Dieu, et que c’est là la fin première du Sacrifice. Remarquons ensuite que la plupart des oraisons du missel de 1962, ainsi que différentes prières de l’offertoire et du canon, sont de ferventes demandes de grâces à Dieu, la première de ces demandes étant que Dieu daigne accepter ce sacrifice. Les prières de l’offertoire montrent bien le caractère propitiatoire de l’offrande qui est faite, Jésus Christ immolé pour nos fautes, afin que la Rédemption s’accomplisse. C’est tout cela qui est explicité, entre autre, par le si riche Offertoire traditionnel.
Le rite tridentin, à l’image de la fumée de l’encens montant vers le ciel, élève nos âmes jusqu’à Dieu et, nous faisant passer des réalités sensibles aux mystères éternels, nous permet, dès ici-bas, d’unir nos voix à celles des bienheureux. Tous les gestes, toutes les cérémonies existent dans ce but. L’orientation de l’autel, les gestes d’adoration, la langue sacrée, le mystère et le silence qui entourent la consécration, etc. : tous ces aspects manifestent bien le caractère sacré de la messe.
La Messe, vrai Sacrifice de la Croix
Il faut redire que la messe ne se résume pas à un repas communautaire accompli par l’assemblée des fidèles en mémoire du Christ. Non, la messe est simplement le renouvellement non-sanglant du Sacrifice de la Croix en lien direct avec la liturgie qui se déroule au Ciel. À la messe, nous sommes au pied de la Croix et le Ciel tout entier est présent avec nous : le prêtre tient entre ses doigts le Christ réellement présent, le Dieu vivant que le monde ne peut contenir. Saint Simon de Thessalonique disait que « ce que le prêtre accomplit à l’autel est du même ordre que ce qui se passe au Ciel ».
Le Latin
N’est-ce pas parce qu’il est ministre de l’Eglise, comme nous l’avons dit plus haut, que le prêtre va, par exemple, utiliser dans sa fonction sacrée, une langue qui n’est pas sa langue maternelle, mais qui est la langue de l’Eglise dont il est ici l’ambassadeur ? En effet la langue utilisée dans la liturgie tridentine est le latin. La plupart des prières de la messe datent des premiers siècles de notre ère chrétienne. Ainsi il est couramment admis que le Canon (la prière centrale du Sacrifice Eucharistique) a été fixé de manière quasi définitive dès la fin du IVème siècle ! En 1570, le pape Saint Pie V n’a donc pas « composé » un nouveau missel : il a simplement harmonisé des prières et des rites qui lui étaient bien antérieurs.
Le Silence
Le silence est quant à lui, l’expression la plus belle de notre adoration envers le Dieu qui descend sur nos autels. Il est de plus très expressif du mystère qui se réalise. Comme nous l’enseigne St Ignace d’Antioche, le silence accompagne le mystère : « la virginité de Marie, son enfantement et la mort du Seigneur sont trois mystères éclatants que Dieu opéra dans le silence ». Le silence au moment du canon est ce qui favorise le mieux une participation vraiment profonde, personnelle et intérieure au mystère de l’autel.
Il faut maintenir ce caractère céleste, sous peine de désacralisation, et il faut se rappeler que tout ce que Dieu fait de grand et de beau s’opère dans le silence. La création du monde s’est fait dans le silence. L’incarnation du Christ s’est faite sans tapage dans un petit village de Galilée, sa Nativité s’est réalisée dans le calme de la nuit de Noël, à l’écart de la ville. Rappelons-nous toujours cette maxime de Saint Jean de la Croix : « Le Père céleste n’a dit qu’une parole : c’est son Fils. Il l’a dit éternellement et dans un éternel silence. C’est dans le silence de l’âme qu’elle se fait entendre. » le saint Sacrifice de la messe n’est pas propice aux bavardages : il est le lieu de notre rencontre avec le Sauveur, dans l’adoration et la louange, donc dans le silence et la paix.
La musique tient néanmoins une place de choix dans la liturgie classique : c’est pour être à son service et l’embellir que le grégorien et la polyphonie sacrée se sont développés au cours des siècles.
Un héritage à conserver et à transmettre
La liturgie utilisée par les prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre est enfin un héritage ; elle est, de par son origine, l’expression de la piété et de la sainteté de l’Eglise. Nombreux sont les saints qui l’ont goûtée et ses bienfaits sont encore visibles aujourd’hui : sa richesse surprend chaque jour ceux qui la pratiquent. Elle est une aide précieuse pour nous conduire à Dieu tout au long de notre pèlerinage ici-bas. Le pape Jean-Paul II, dans un message adressé à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour le Culte Divin et la discipline des sacrements, qui s’est tenue au Vatican en septembre 2001, a ainsi déclaré : « Le peuple a besoin de voir dans les prêtres et les diacres une attitude pleine de révérence et de dignité, capable de l’aider à pénétrer les choses invisibles, même sans beaucoup de paroles et d’explications. Dans le missel romain, dit de saint Pie V, ainsi que dans les diverses liturgies orientales, l’on trouve de très belles prières par lesquelles le prêtre exprime un sentiment très profond d’humilité et de révérence en présence des saints mystères : celles-ci révèlent l’essence de toute liturgie ».